La chefferie de Bwisha dans le territoire de Rusthuru et celle de Watalinga sont actuellement citées comme un modèle réussi des entités décentralisées dans la Province du Nord-Kivu. Située à 72 km de la ville de Goma, la chefferie de Bwisha a lancé depuis deux ans la mise en œuvre de son Plan de développement local inclusif et durable élaboré avec l’appui du Programme des Nations pour le Développement. Cette Entité Territoriale décentralisée accorde beaucoup d’attention à la participation citoyenne dans le développement local. Un Comité Local de Paix et développement (CLDP) a été mis en place et contribue au développement intégral de cette contrée. https://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/la-d-centralisation-au-nord-kivu-les-chefferies-de-bwisha-et-de
Ce comité est composé des représentants de toutes les couches de la population de Bwisha : des administratifs, des éleveurs, agriculteurs, des enseignants, des femmes, des jeunes, la société civile, les commerçants… Le Comité Local de paix et Développement a reçu la mission d’actualiser le Plan Local de Développement mais également de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du budget participatif de la chefferie. Les membres de ce comité présentent régulièrement devant un public élargi les besoins des différentes couches de la population. Ils adoptent les propositions des projets et mobilisent les partenaires au développement pour répondre aux besoins exprimés.
Une collaboration qui produit des résultats
Ces activités sont mises en œuvre par le Projet d’accélération d’une gouvernance et d’un développement local inclusif et durable dans les zones stabilisées du Nord-Kivu, dit projet « Uongozi na maendeleo bora ». Les responsables de la Chefferie reconnaissent avec fierté le rôle joué par le CLPD dans le processus de planification locale, de budgétisation participative, de plaidoyer envers les partenaires et la mobilisation des ressources propres de la chefferie. « La chefferie de Bwisha est très avancée en matière de la décentralisation. Accompagnée par le PNUD depuis 2009, elle dispose d’un plan de développement local, actuellement mis en œuvre et qui porte ses fruits et lui permet d’assurer une gouvernance locale de proximité » souligne Jean-Baptiste Nzaba, Vice-Président du Comité Local de Paix et Développement.
Suite à la table ronde des partenaires organisée à Rutshuru le 18 décembre 2015, la chefferie a pu enregistrer des engagements des partenaires techniques et financiers à hauteur de 42 millions de dollars américains pour financer certains projets inscrits dans le plan de développement local.
Ces engagements se traduisent par plusieurs réalisations. Il s’agit notamment de la construction d’infrastructures socio-économiques telles que des écoles, des centres médicaux et des marchés. Le projet de construction de la centrale électrique de Matebe qui figurait dans le plan de développement local 2012-2016 a été financé grâce au plaidoyer effectué par la chefferie à travers le CLPD envers l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN). Cette centrale de plus de 13 mégawatts alimente différents villages du territoire de Rusthuru.
Les femmes de Bwisha et Watalinga exercent leur rôle dans la gouvernance locale
« Le point de vue des femmes est pris en compte dans la mise en œuvre de ce plan local de développement. C’est une première… et cet exercice nous permet de savoir ce qui est fait pour nous en vue de notre développement.» dit Mme Ntamenya Chiza, Présidente du Collectif des organisations féminines de la Chefferie de Bwisha. Pour preuve, les femmes de Bwisha ont exprimé le besoin d’avoir un marché en matériaux durables pour vendre leurs produits alimentaires et de première nécessité à l’abri des intempéries et en toute quiétude.
Les bâtiments qui abriteront le marché de Kalengera sont en construction grâce au financement du PNUD. Deux grands hangars pouvant contenir 600 vendeuses et vendeurs sont déjà érigés et il ne reste que les travaux de finitions. « Ce marché est très spécial pour nous car il renforce la cohésion sociale et la cohabitation pacifique. Des vendeurs et commerçants venant des différents villages fréquentent ce marché. Cela nous permet d’échanger et de se rapprocher davantage après divers conflits armés que la population de Rutshuru a vécu ces dernières années» reconnait Fatuma zibiya, vendeuse au marché de Kalengera.
Du côté de Watalinga, les femmes sont réunies dans une mutuelle de solidarité. Elles sont parvenues à réhabiliter une route de desserte agricole pour désenclaver leurs villages et faciliter l’évacuation de leurs productions agricoles vers d’autres marchés, principalement celui de Nobili.
« L’utilisation de cette route réduit sensiblement les souffrances pour acheminer leurs productions sur la tête et le dos sur des longs trajets qui conduisent aux lieux de vente» affirme Maman Zawadi, Présidente des associations des femmes de Kamango dans la Chefferie de Watalinga. Et d’ajouter « Grâce à la formation dispensée par le PNUD, les femmes de Watalinga ont pris conscience de leur rôle et ont compris la nécessité de participer au développement de leur chefferie à travers des activités génératrices de revenu. Aujourd’hui la femme de Watalinga est présente dans toutes les structures administratives et apporte sa connaissance au service du développement local».
Les jeunes abandonnent les armes pour le travail
Comme les femmes dominent les activités commerciales, elles apportent une contribution considérable aux recettes de la chefferie.
Les jeunes de Bwisha et Watalinga regroupés dans des collectifs des jeunes sont également unanimes : l’appui du Projet « Uongozi na maendeleo bora » est considérable. Il a changé les comportements des jeunes qui autrefois vivaient en conflit. Ils préfèrent désormais travailler plutôt que de rejoindre les groupes armés. Bon nombre d’entre eux se réunissent régulièrement pour identifier leurs besoins et préparer un rapport synthèse des actions à soumettre au CLPD.
« Nous avons compris que les conflits armés sont à la base de la destruction des vies et de notre chefferie. Les jeunes sont exploités naïvement par les chefs de guerre par manque d’occupations. Aujourd’hui nous avons réalisé que seul le travail peut nous assurer un avenir meilleur» affirme Justin Sengiyunva, Président du Conseil de la jeunesse de Bwisha. C’est dans ce cadre que beaucoup des jeunes ont abandonné les armes pour retrouver une vie normale. Certains s’adonnent à l’agriculture et beaucoup participent aux travaux à Haute Intensité de main d’œuvre (construction des ponts, routes, écoles et marchés).
Pour rappel, le projet Uongozi na maendeleo bora » au Nord-kivu financé par le PNUD à hauteur de 1,15 millions de dollars américains est conjointement réalisés par le Programme des Nations Unies pour le Développement et le Fonds d’équipement des Nations unies ainsi que la Division des Affaires Civiles de la Mission d’organisation de Nations unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO). Il vise à adresser les raisons des conflits et asseoir une transition vers le développement et une paix durable dans l’est de la RDC.
L’idée qui sous-tend l’initiative est de faire le pont entre l’humanitaire et la stabilisation vers un objectif de développement et de gouvernance locale durable. D’une durée de 5 ans, ce projet organise plusieurs activités dont le renforcement des entités territoriales décentralisées, la construction et équipement des centres polyvalents pour les jeunes, la mise en place des mutuelles de solidarité et la mise en place des comités de paix et réconciliation pour la résolution des conflits inter et intracommunautaire.
Clarisse Museme
Cet article a été publié ici en 2016